Cela fait longtemps que j'y pense, quelquefois que j'en parle mais chaque fois je cale, je coince. On n'efface pas si facilement 50 ans de compromis, de concessions, de recentrage d'église au milieu du village. Mes silences polis, mon sourire bêta, communément appelé dans la famille "sourire d'infirmière" par celles qui le pratiquent professionnellement, me reviennent en pleine poire. A force de ne rien dire, de ne pas faire état de ses états d'âme, le reste du monde pense que je n'en ai pas, que je suis forcément toujours contente de ce qui m'entoure et de ce qui m'arrive, que tout va bien.
Cela vaut pour tous les cas de figure. Quand on fait une embolie pulmonaire en faisant croire que c'est un petit rhume des foins, il ne faut pas s'étonner que personne n'en fasse grand cas. Quand on se laisse insulter sans réagir sous prétexte que le pauvre énergumène en face est bipolaire et que ce n'est pas sa faute, il ne faut pas s'étonner que d'autres s'imaginent en droit de faire pareil. Quand on dit oui alors qu'on voudrait dire non parce qu'on se dit qu'il faut toujours se forcer un peu et que c'est pour faire plaisir, il ne faut pas s'étonner qu'on s'adresse toujours à vous plutôt qu'à quelqu'un d'autre.
Alors, voilà, aujourd'hui, je le dis. Non, je n'ai pas envie de fêter Noël sans mon papa. Je voudrais partir au bout du monde pour ne pas sentir sa présence ce soir-là dans ma maison, voir son sourcil levé dans l'un ou l'autre des fauteuils (il les a tous essayés), un livre en main parce que forcément on lui aurait offert des livres, l'imaginer regarder Mamy avec tendresse et tenir sa flûte de champagne pendant qu'elle déballe son cadeau. Non je n'ai pas envie. Et je n'ai pas envie non plus d'entendre que moi, j'aime fêter Noël, alors on viendra pour me faire plaisir. Aujourd'hui, je le dis: malgré tout ce qu'on pourrait croire à la lumière de ce que je dis ou ce que j'écris sous le prisme de mon côté positif, Noël est pour moi une source de stress immense. J'aime les préparatifs en cuisine parce que je profite de ma Swiss'Sis, qu'on s'amuse en cuisinant, qu'on peut écouter de la musique de Noël sans être raillé et que c'est un bon moment. Mais dès que je passe ma robe et que la soirée approche, je sens monter l'angoisse insupportable de savoir qui ce soir va me gâcher cette fête pseudo pacifique. Souvent la même, je le sais, mais pas toujours. Et c'est pour cette angoisse là qui dure jusqu'au moment où la fête se termine que je me suis mise à ne plus aimer Noël.
Mais voilà, malgré toutes mes réticences, je le fêterai quand même, pour ma maman, pour mes enfants, pour Clara et pour Sappho dont ce sera le premier. Celle qui prend plaisir à me le ruiner a décidé de ne plus participer aux réunions de famille, j'aurais donc pu m'en réjouir. Mais non, le coeur ne sera pas à la fête de toute façon.

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