J'ai soulevé un coin du voile.
Le voile qui ne me laissait connaître de Célestine que les yeux. Ces yeux extraordinaires que connaissent tous ceux qui la lisent avec délices. J'ai découvert tout ce qu'il y avait sous les yeux. Un bon mètre de jambes et un bon 60 cm entre les yeux et les jambes. De jolies mains en partie cachées sous des mitaines de chat. Elle enlève méticuleusement les peluches de ses mitaines quand elle parle. Moi, je fais tourner mes bagues autour de mes doigts.
J'ai soulevé un coin du voile.
Le "voile rose" dont elle recouvre tout ce qu'elle voit, tout ce qu'elle vit, tout ce qu'elle dit. Mes yeux de curieuse ont subrepticement jeté un regard sous le voile rose. Et bien, je suis au regret de vous dire que Célestine est tout à fait normale, vraiment tout ce qu'il y a de plus normal. Elle a les mêmes soucis que nous, elle a les mêmes périodes d'abattement, de manque de magnesium, de coups de mou, elle peste et enrage comme nous, elle peut même être désagréable avec les très mal élevés (ceux qui ne saluent pas les femmes de ménage, par exemple). Elle a juste opté pour le port du voile… rose. Celui qui fait qu'après tout, les petites contrariétés, les petits désagréments, les coups de barre, tout cela n'est pas bien grave, ça ira mieux demain. Et même ce soir. Et pourquoi pas tout de suite, en fait ?
J'ai soulevé un coin du voile.
Celui qui nous manque dans les relations virtuelles, comme autrefois dans les correspondances épistolaires de notre enfance. On connait beaucoup de l'autre, du moins ce qu'il veut bien nous dire, mais il nous manque la voix. Et la voix donne une toute autre dimension à l'autre. Une musique particulière. Je ne m'attendais à rien ou alors peut-être à une voix légèrement sud-chantante. Mais la voix céleste n'est pas particulièrement méditerranéenne. Elle chante plutôt comme une poussière d'étoiles, c'est une voix qui alterne les pointes légères de rire et les poussées graves de sérieux avec les tremolos de l'émotion. Une aussi jolie voix que les yeux qui la parlent.
Le ciel aussi a soulevé un coin du voile.
Cette journée à Paris a été toute entière sous le signe de la pluie dehors, soleil dedans. On n'a pas arrêté de parler, deux heures au café de la gare, deux heures à Bercy village en déjeûnant, puis petite marche digestive sous un parapluie et à nouveau autour d'un thé au café Pouchkine du Printemps. Et on aurait pu encore parler des heures. En fin de journée, le ciel a soulevé un coin du voile. Juste de quoi tailler la culotte à un gendarme, comme disait la grand-mère de Célestine. Et c'était beau.


Laisser un commentaire